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Parce qu’il manque d’heures dans une vie

Il y a déjà quelques jours que j’ai sur ma liste de choses à faire que d’écrire en ces lignes une entrée ayant pour titre J’ai voulu voir Varsovie, et j’ai vu Varsovie, tsé pour faire un genre de suivi avec l’épisode du hamburger. Car oui, j’essaie d’intégrer un peu de méthodisme dans mon blogue – c’est mon frère qui m’a déjà dit que ça manquait de suivi mon affaire. Sorry, frérot, ça arrive de même, j’ai beau essayer, des fois les secondes qu’on grappille par-ci par-là manquent pour tout faire ce qu’on aimerait donc faire.

J’étais à Varsovie pour filmer une série de conférences contre Frontex, une agence qui coordonne le contrôle des frontières extérieures de l’Europe, des mesures qui mettent en péril la vie de migrants qui tentent de traverser en Europe. (J’en ai parlé à la radio de Macadam Tribus, cliquez sur l’émission du 6 juin dans le calendrier et je me trouve à être là à quelque part dans la première partie).

Autrement, ce à quoi je consacre mon temps depuis mon retour de Pologne, c’est à la préparation de notre DVD sur lequel ce retrouvera, entre autres, un clip sur Frontex, mais plein d’autres choses: c’est le tout nouveau magazine-vidéo d’AK-Kraak, ce collectif vidéo qui m’amène justement à me promener un peu partout. Contenu assez politique, des fois sous format sérieux, des fois drôle.

Exemples:

Un clip qui souligne les multiples efforts pour faire sortir la vérité sur les circonstances entourant la mort d’Oury Jalloh un réfugié provenant du Sierra Leone qui est mort dans sa cellule de prison à Dessau, brûlé vif. La première version de la police disait qu’il s’agissait d’un suicide, mais curieusement, le type était menotté aux mains et aux pieds lors de l’incendie.

Un documentaire sur une usine de vélos allemande qui été acheté par une grosse compagnie américaine puis relocalisée= perte d’emplois pour plus d’une centaine de personnes dans la région. Les employés ont décidé de squatter l’usine et ont repris la production de manière auto-gérée pour une courte période de temps. Strike Bike: c’est le nom de cette initiative.

Des documentaires qui ont été tourné en Sicile, un sur l’accueil des réfugiés sur l’île italienne de Lampedusa et un autre sur la curieuse façon de régler la crise du logement dans le sud de l’Italie: des familles entières vivent dans des containers en attendant que leur soit proposé des logements sociaux à prix modiques. Cette solution « temporaire » a été financée à gros prix par le gouvernement, main dans la main avec la mafia. Et un super vidéo amateur qui dévoile toute la vérité sur Berlusconi et les éruptions volcaniques. Explosif.

Bref, des trucs intéressants. Si vous me lisez et êtes dans le coin, passez voir ça au Lichtblick la semaine prochaine.

New Orleans dans mon salon

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Hier soir, j’avais l’intention assez fondée d’aller voir un show de King Khan and the Shrines – je vous le mentionnais déjà il y a quelques semaines.

Mais évidemment, les plans établis trop longtemps d’avance ont toujours tendance à être interceptés par une contre-proposition de dernière minute. Hier soir, c’était donc aussi l’anniversaire d’un ami espagnol vivant à Berlin depuis quelques mois. Il prévoyait faire une petite fête dans notre maison. Je me trouvais à être dans le noyau dur de gens susceptibles d’y aller, question d’animer de dynamisme cette rencontre de type «bières et pretzels». Je me culpabilisais un peu de ne pas y aller. C’est mon petit côté missionnaire : fêter le monde comme du monde. Bref : déchirement, que faire.

Entre temps, la proposition de fête pour l’Espagnol s’est bonifiée : les Loose Marbles, un band de la Nouvelle-Orléans, amis d’ami, était en ville et les musiciens avaient bien envie de jouer comme ça, n’importe où, quelque part. Ils ont donc envahi le petit hall de notre petit cinéma et ce fut la foire à rabais – je n’ai pas eu besoin de regretter une seconde de ne pas être allée voir mon concert qui coûtait cher.

Tuba, accordéon et autres planches à laver qui font des sons, 7-8 musiciens, bons mais vraiment bons, pas juste du « Oh When The Saints » qu’on a entendu mille fois, des airs perdus de gitans qui grimacent. La chanteuse: genre de personne qui chante et soudainement toute la pièce est envahie par quelque chose de vraiment fort. C’est drôle, elle m’a fait penser un peu à Isabelle Blais, mais en version pirate. Des tatous partout, même dans la face. L’imagerie vaudou et mardi gras plein les bras: des squelettes en autocar, des anges-démons intitulés « Family » et une tasse de café. C’était la première fois que je voyais quelqu’un s’étant fait tatouer une tasse de café. On se dit: ben pourquoi pas.

Les portes ouvertes, la petite fête pour notre ami espagnol s’est transformée en fiesta de quartier. Même la Madame aux bouteilles y était.

Oh! oui! Quelle belle occasion de vous écrire quelques lignes sur la Madame aux bouteilles! Les cheveux étrangement crêpés en forme de nid d’oiseau, le pantalon de jogging remonté jusqu’aux seins, cette dame fait carrière dans le ramassage de bouteilles vides sur la Kastanienallee et semble s’auto-divertir en marmonnant des choses étranges, et plus souvent qu’autrement ce qu’elle marmonne, elle le crie.

Il y a de ces personnages récurrents dans un quartier, habituellement un peu timbrés, qui vont qui viennent et qui passent, auxquels on s’attache je dirais même, sans qu’on s’attende à les voir soudainement arriver tout souriant dans notre party. Elle était là, hier, comme transformée par la musique. Elle swinguait à fond la caisse, et souriait souriait. Déformation professionnelle oblige, elle à ramassé les bouteilles vides tout au cours de la soirée. Elle aurait pu simplement se les réserver pour elle-même, non, elle nous les rapportait au bar, pour aider.

C’est beau, l’effet de la musique.

(p.s. On dit aux voisins qui n’aiment pas: allez donc vivre à Charlottenburg.)

Kastanienallee

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Je vous ai promis de revenir un peu sur ma vie de quartier, et puis plus particulièrement sur ma rue, la Kastanienallee. Mon frère me réclame plus de suivi dans c’te blogue aparemment sans queue ni tête (ah! ces work in progress, toujours un petit côté inachevé, c’est ça, l’art de nos jours): hé bien, aujourd’hui, je profite de cette journée d’automne (fait frette) pour vous faire le tour guidé de la célèbre et grouillante Kastanienallee.

Tel qu’on peut le constater sur la première photo, la Kastanienallee se trouve dans la partie Est de Berlin, plus précisément dans Prenzlauer Berg, ce quartier artistico-branché qui s’est beaucoup gentrifié depuis quelques années. Comme sur le Plateau Mont-Royal, les poussettes et les bédaines de femmes enceintes se multiplient à vue d’oeil. Les touristes affluent en grand nombre, contribuant à couronner la Kastanienallee comme étant la « Meilleure rue à Berlin pour parler quotidiennement l’anglais, le français, le suédois et l’espagnol » (on y entend occasionnellement l’allemand et le turc aussi).

Si vous observez bien la première photo (je sais qu’elle est un peu petite), il y a encore quelques immeubles qui brandissent des trous de balles datant de la guerre. Mais la plupart des édifices sont maintenant restaurés, repeints et quotidiennement revisités par des graffitistes, exemples disponibles sur la deuxième et dixième photo.

Côté bouffe et boissons, vous êtes bien servis sur la Kastanienallee, terrasses en quantité de toutes les sortes et de tous les prix (généralement allant en montant). J’ai pas pris de photos de tous les restos et bars qui ornent ma rue, mais croyez-moi, il y en a beaucoup. En fait, il semble y avoir un nouveau commerce qui ouvre à chaque mois sur la Kastanienallee, ce qui ne cesse de fasciner les vieux de la vieille qui ont envahi les immeubles vides au lendemain de la chute du Mur. Moi aussi j’en constate les effets, toujours pas remise de ce « Fresh & Friends » rose fluo (photo 4) qui est apparu le mois passé. Ouvert 24 heures sur 24, des employés trop contents de sourire dans cette atmosphère flash-ironie-bonbon, de la bouffe bio dans des emballages bien designs pour people on the move: voilà un commerce qui semble vouloir dire « this is the future, baby » et ça me donne des boutons.

Heureusement, il y a des petits marchés turcs (photo 3) sans prétention qui vendent les meilleurs avocats au monde, pis plein d’autres fruits et légumes. On aime.

Ceux qui aiment le magasinage sont aussi servis sur la Kastanienallee, côté vêtements design avec une touche trash songée pour laquelle il faut bien payer trop cher, c’est tout garni. Des petites boutiques rappelant le Mile-End, voyez le genre. C’est bin beau, mais j’évite d’entrer, parce que je peux pas me permettre en ce moment et de toute façon en fouillant un peu on trouve de tout au Flohmarkt.

Sur la photo 5, vous retrouvez deux spécimens de transports en commun de Berlin, le tram et le U-Bahn (ah! l’art du timing photographique). Le tram passe directement devant ma fenêtre, alors c’est un peu bruyant, mais beaucoup moins pire depuis qu’ils ont complètement refait tous les rails (commençaient à 7 heures du matin, bruit d’enfer).

Ensuite, photo 6. Alors là, c’est pas pour me vanter, mais je vis juste au-dessus d’un des plus cools et plus petits cinémas de répertoire de Berlin, le Lichtblick. Tout douillet avec ses 25 places, programme d’excellents films de répertoire, documentaires engagés et rétrospectives diverses. Présente, en ce moment, une super série « 3000 ans de punk » en collaboration avec le Moviemento.

Heureusement, pour contrer la tendance « je suis dont à la mode » (mode sloppy hip, s’entend) de la Kastanienallee, il reste encore quelques vestiges des lieux qui l’on rendue si cool pour commencer, d’anciennes maisons squattées qui sont maintenant légales, mais qui ont tout de même gardé le spirite alternatif, comme notre K77 bien sûr, mais aussi des voisins comme la K86 (photo 7, où l’on peut lire: « le capitalisme standardise, détruit et tue »). Ceux-ci gèrent le café coopératif morgenrot avec des buffets-déjeuner-végé-à-volonté les samedis et dimanches, et une foule d’activités et de concerts dans le sous-sol (à mettre dans votre carnet d’adresse dans la catégorie « bars de fond de cave »). Font aussi des vokü le mardi soir, mais je reviendrai sur ce concept une autre fois (faut bien que j’m’en garde un peu, pour le suivi…).

D’ailleurs, pour vous informer sur tout ce beau mouvement, passez faire votre tour à la librairie juste à côté; la schwarze risse est une belle petite bouquinerie alternative où j’aime bien fouiner (a aussi une soeur jumelle dans Kreuzberg).

Heureusement aussi, il y a des valeurs sûres qui existent depuis fort longtemps sur la Kastanienallee, qui font en sorte que ça ne sent pas juste le Fresh & Friends… Le Prater est le plus vieux et le plus beau « biergarten » de Berlin, depuis 1837 qu’il y a du monde qui savoure leur bière à l’ombre des châtaigniers (Kastanien = châtaignes…). Un peu moins vieux, mais tout de même assez honorable et tout à fait un classique berlinois, le Konnopke Imbiss sert des curry wurst aux passants depuis 1930. Techniquement, on n’est plus sur la Kastanienallee, mais juste au coin sur Schönhauser, mais je me permets d’inclure ce kiosque à pétates frites dans « ma rue », puisque c’est là que la rue s’arrête et mon mini tour guidé du jour aussi.

Résumé de ce magnifique carnet d’adresses Kastanienallee-esque:

  • pour s’y rendre – u-bahn eberswalderstrasse ou tram M1
  • Lichtblick Kino, Kastanienallee 77
  • K77, Kastanienallee 77
  • K86, vous le devinez: Kastanienallee 86
  • Café Morgenrot, Kastanienallee 85
  • Librairie Schwarze Risse, Kastanienallee 85
  • Prater Garten, Kastanienallee 7 – 9
  • Konnopke Imbiss, Schönhauser Allee 44a